Le tout dernier rapport récemment publié par les chercheurs du GIEC (Groupe International d’Experts sur le Climat) est malheureusement comme depuis le début, annonciateur de changements climatiques pour le moins inévitables. Comment la viticulture pourra t-elle s’y adapter ? Pistes de solutions dans notre entrevue avec Alain Deloire, professeur à l’Institut Agro de Montpellier.

Propos recueillis par Tristan Geoffroy

Est-ce que le secteur viticole est vraiment en danger ?

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Je réponds avec mes maigres connaissances. On peut avoir plusieurs avis et ceci n'est que le mien. La réponse en région sèche et chaude est oui. Des rapports de commission internationaux sur la vigne font état du fait que d'ici 2050 le grand Sud de l'Europe, prévoit une perte de 50% des vignobles existants. Le réchauffement et l'assèchement sont deux variables très importantes lorsqu'elles sont combinées. S'il y a réchauffement et de l'eau c'est moins grave, mais la combinaison des deux est dramatique. En effet, cela prend de 250 litres à 350 litres d'eau pour faire un litre de vin. On peut faire de la vigne dans le désert à condition d'avoir de l'eau.

Les aléas climatiques ont toujours fait partie de la culture de la vigne mais va t-on continuer à avoir des aléas climatiques qui réduisent ou parfois empêchent toute récolte ?

« L’année 2021 est un bon exemple. C’est un exemple typique où le climat évolue vers des températures en hausse plus proches des scénarios les plus pessimistes des chercheurs. Cela amène un dérèglement qui est imprévisible et ne permet donc pas de prévoir la  quantité et la qualité des millésimes à venir en fonction des cépages. Cela devient donc très difficile à gérer car il est impossible de prévoir les moyens nécessaires et suffisants pour lutter contre le panel des problèmes qui peuvent être rencontrés (NDLR à la chaleur s’ajoutent les sécheresses, orages et chutes de grêle).

Quelles sont les choses à mettre en place par les viticulteurs afin qu'ils puissent continuer à exercer leur métier malgré les aléas climatiques qui se multiplient ?

« Il existe déjà de nombreuses solutions : chaufferettes, aspersion ou fils chauffants pour lutter contre le gel ou une multitude de solutions pour aider l’irrigation, mais tout cela devient difficile dès qu’il y a un manque d’eau. La première chose est que la vigne a des limites physiologiques (gelées, températures etc). Ces limites ont été dépassées cette année (la limite est -3 degrés pour le bourgeon). Pour le stress hydrique c’est la même chose, même avec de l’eau si la température est trop élevée la vigne ne survivra pas. En effet, les vignes transpirent trop et même si l’eau est présente dans le sol, des bulles d’air peuvent se former dans le réseau de la plante et donc entraîner sa mort, car les racines ne peuvent fournir l’eau nécessaire à la transpiration des feuilles… Les baies peuvent aussi se flétrir pour les mêmes raisons. On parle beaucoup d’agroforesterie dans des vignobles industriels pour aider la vigne, mais parfois on crée de la concurrence. Dans le Sud ce ne serait pas une bonne idée car cela induit aussi des baisses de rendement. La permaculture pourrait être une piste de solutions. »

Ces solutions à apporter peuvent-elles être réalisées part un petit comme un grand domaine ?

« Les petits exploitants pourraient mieux s’en sortir pour mettre en place ces solutions car elles sont moins compliquées à mettre en œuvre sur 20ha car elles demeurent à dimensions humaines ce qui est impossible de faire sur une exploitation de 1000 ha. Les grandes exploitations ne peuvent pas se lancer dans la permaculture. Il faut faire des compromis. Quand vous avez une grande surface, il faut penser macro, vie des sols, enherbements, plus de culture sur des sols secs et pauvres. Remettre des haies, investir dans la vie du sol. Il faut 10 ans au moins pour « re »mettre tout cela en place. Le redéploiement de la viticulture dans des régions plutôt inhabituelles comme la Normandie et la Bretagne, pourraient offrir de nouvelles zones d’exploitation. On assisterait donc à une migration des vignobles. Cela va devenir une question réellement stratégique qui va se poser à savoir de réduire les zones cultivables afin de les limiter aux sols les plus propices. On vit un moment pire que le Phylloxera car les répercussions seront sur de longs termes. Oui, il va falloir repenser le tout de façon intégrée. Je ne raisonne pas par rapport à un cahier des charges, je me limite aux besoins naturels de la vigne et à son cahier des charges à elle. Beaucoup de facteurs peuvent être modifiés afin de l’aider comme la densité de plantation, les couverts végétaux, la replantation de haies et évidemment la permaculture. En règle générale, nous sommes forts pour la transmission de connaissances, mais le transfert de technologie c’est une chose, l’adoption s’en est une autre.»

Quelles pourraient être les actions mises en place par le gouvernement pour préserver la viticulture française ?

« Il faut surtout ne pas donner d’argent sans contrepartie. Il faut que cela s’accompagne de réalisations concrètes et complètes et imposer certaines directives afin que les problèmes ne se renouvellent pas. Le but ne doit pas être de maintenir tous les vignobles sous perfusion. Il faut aider les plus motivés et les plus performants. On peut aider à des recherches sur la vie des sols, la microflore ou encore l’amélioration génétique. Un point qui sera aussi crucial à venir est la restructuration de la taille des exploitations. » Alain Deloire a travaillé dix ans comme chercheur et chef d’équipe en Viticulture chez Moët & Chandon et travaille depuis 14 ans en tant que professeur en écophysiologie de la vigne et du fruit à Montpellier SupAgro (France) où il est de retour depuis novembre 2016 en tant que professeur en viticulture (physiologie de la vigne), après de longues années de travail à l’étranger.

Quelques chiffres sur la viticulture

  • Taille totale des exploitations française avant l’apparition du Phyloxera : 2,5 millions d’ha
  • Taille totale des exploitations française aujourd’hui :750 000 ha
  • À la fin de la 2nd guerre mondiale, la consommation moyenne était de 120 litres de vin par an par habitant, elle est de 60 litres aujourd’hui

Des actions pour le développement durable dans les vignobles Terra Hominis

Le Domaine de Sabbat, vignoble développé avec Terra Hominis a  pour projet la construction d’une cave à énergie positive. De plus, Sylvain limite au maximum son intervention dans les vignes et à la cave, il travaille à la main, utilise le tracteur au minimum et ne sulfite que rarement en levures indigènes.

Le Domaine Obrière pratique l’agro-écologie, l’agro-foresterie pour permettre de favoriser la biodiversité. 

Le Domaine Secunda Mas partage aussi cette démarche écologique et souhaite avoir des sols vivants grâce à la plantation d’arbres fruitiers pour stimuler la biodiversité.

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