La truffe noire, produit rare et cher a aussi été victime du covid 19 cette année. Avec la fermeture des restaurants, gros pourvoyeurs de « diamant noir », l’offre a parfois été supérieure à la demande. Retour sur le marché de la truffe, qui a été en faveur des particuliers.

Par Didier THOMAS-RADUX, journaliste contributeur pour Terra Hominis.

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Les amateurs le savent : ce n’est pas à Noël mais en début d’année que la truffe noire est à son acmé. Ce n’est pas pour rien que cet emblème de la haute gastronomie hexagonale est souvent baptisé « diamant noir ». 

Bien sûr, la tuber melanosporum (à ne pas confondre avec la tuber uncinatum, la truffe de Bourgogne ou la tuber aestivum, la truffe d’été) a subi cette année non seulement les aléas climatiques d’une mauvaise saison pour la récolte mais aussi avec les restaurants fermés, une chute conséquente (de l’ordre de 20 à 50%) du prix de vente. Cela a profité aux particuliers, mais a perturbé en profondeur un marché qui fonctionne encore à l’ancienne.

Des tarifs variant de 220 à 700€ le kilo sur le marché de gros

Chaque semaine durant la saison des truffes noires, le ‘Réseau des nouvelles des marchés’ (RNM) met en ligne sur le site d’AgriMer émanation du ministère de l’Agriculture, les cotations des marchés de Lalbenque (Lot), Sarlat et Sainte-Alvère (Dordogne), Saint-Jean-d’Angély (Charente Maritime), Uzès (Gard) et Carpentras et Richerenches (Vaucluse). Sont détaillés les prix moyens de vente aux particuliers, mais surtout les prix de vente en gros. Si parmi la cinquantaine de foires et marchés existants uniquement ces derniers sont recensés, c’est parce qu’ils sont les seuls à organiser des marchés de gros réservés aux professionnels. Mais voilà quelques semaines on constatait d’énormes écarts de prix parmi les huit marchés référencés sur FranceAgrimer :  si le kilo de truffes noires se négociait en moyenne 700€ sur le marché de gros de Lalbenque dans le Lot, les prix tombaient dans le Vaucluse à 300€ au marché de Carpentras et même à 220€ sur celui de Richerenches. Des différences conséquentes que la seule loi de l’offre et de la demande ne suffit pas à expliquer, même si des différences ont toujours été constatées. 

« La fixation des cours, c’est quelque chose dans ce milieu : il y a les prix pro, semi-pro, export et particuliers. C’est un grand écart impossible. Mais c’est un marché immatériel et un produit totalement irrationnel ».

« C’est vrai qu’on se pose tous la question de ces énormes différences, qui sont du jamais vu », lance Alain Ambialet, président du syndicat des trufficulteurs de Lalbenque. « Le marché de Richerenches draine des producteurs de la Drôme, des Alpes de Haute Provence et du Vaucluse. Mais c’est vrai que c’est la première fois qu’il y a autant de distorsion de prix », reconnait Véronique Michelet, présidente du syndicat des trufficulteurs du Vaucluse. 

Une analyse reprise par Louis Teulle le président des trufficulteurs du Gard, qui donne l’une des pistes : «Quand vous achetez 1kg de truffes à Lalbenque et 1kg à Uzès, ce n’est pas le même résultat en raison de la façon dont les truffes sont présentées. C’est pour ça qu’il y a cet écart de prix», explique celui qui est aussi responsable du marché d’Uzès.

La qualité des truffes parfois très différente

Serait-ce que la qualité des truffes n’est pas la même selon que vous serez près du Rhône ou près de la Dordogne ? Oui et non. 

Tout dépend de l’organisation des marchés, qui varie selon les habitudes et traditions. Et dans le monde de la truffe, où l’on trouve des producteurs spécialisés avec des propriétés irriguées et gérées de façon ultra-rationnelle et des agriculteurs qui exploitent quelques ares ou hectares de chênes truffiers pour compléter leurs revenus en vendant cette production à des courtiers, les coutumes ont leur importance. A commencer par la façon dont sont sélectionnés les produits destinés aux professionnels : si à Lalbenque les truffes noires sont canifées afin que l’on puisse voir leur état de maturité, à Richerenches ou à Uzès elles sont en vrac, mélangeant belles truffes et produits moins réguliers. Quant aux très belles pièces elles sont rarement dans des lots, les producteurs préférant les vendre sur le marché de détail, où les prix sont supérieurs. 

« Un professionnel achète les truffes au producteur dans leur état brut, sorties de terre. Le prix de gros donné par FranceAgrimer est un prix moyen de marché professionnel qui ne reflète pas la catégorie du produit prêt à être consommé comme dans toutes les productions agricoles. Pour les truffes en gros, il y a entre 5 et 15% de pertes du produit », détaille Pierre-André Valayer, président de l’association des négociants en truffes du Sud-Est et maire de Richerenches. 

« Sur nos marchés, comme on a bien compris qu’avec le Covid les restaurateurs – qui représentent 70% des volumes du marché de Lalbenque – allaient manquer, nous avons invité les producteurs à venir avec de petits lots de 300-600 gr. Grâce à cela, on s’est ouvert et on a récupéré un peu de clientèle de particuliers », confie Alain Ambialet, qui assume cette ouverture à des non-professionnels.

 

 

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